S'ils ne participent pas directement aux négociations, les acteurs non-étatiques s'engagent à travers l'agenda des solutions. Un moyen, pour les territoires notamment, de montrer qu'il est possible d'atteindre l'objectif de 2°C, voire de le dépasser.

Propos recueillis par Sophie Fabrégat, journaliste, rédactrice en chef adjointe. En ligne ici.

Actu-environnement : Les collectivités sont mobilisées en vue de la COP 21. Quelles sont leurs attentes ?

Ronan Dantec : Il est nécessaire avant tout d'affirmer que, sans la mobilisation des territoires, on n'a aucune chance d'atteindre les objectifs de limitation de la hausse des températures à 2°C. Aucun Etat n'y arrivera sans l'action de ses collectivités territoriales. A l'échelle mondiale, la majeure partie des émissions est liée à la vie quotidienne, notamment dans les villes. Les élus locaux ont donc une réelle capacité à agir, dans les transports, l'énergie... Le sommet mondial climat et territoire, organisé début juillet à Lyon, a permis de faire émerger un quasi-consensus mondial des acteurs non-étatiques sur ce sujet.

AE : Pourtant, les négociations climatiques n'associent pas les collectivités territoriales. L'approche est plutôt top down...

RD : Il y a effectivement un paradoxe entre le rôle essentiel des collectivités dans l'atténuation du changement climatique et leur reconnaissance dans le cadre des accords sur le climat. Cette approche s'inscrit dans l'histoire des négociations. Dès l'origine, les Etats ont lié réduction des émissions de gaz à effet de serre à compétitivité économique. Derrière chaque engagement d'un Etat, il y a la question de l'impact sur des secteurs industriels. Ainsi, dans le protocole de Kyoto, aucune mention n'est faite des collectivités territoriales.

AE : Est-ce que cette tendance se poursuit pour la COP 21 ?

RD : On a beaucoup avancé sur ce point au cours des dernières semaines. Au sommet sur le financement du développement, organisé à Addis-Abeba (Ethiopie) en juillet, le rôle des collectivités et le nécessaire financement de l'action territoriale ont été reconnus. A New York, lors du sommet des Nations unies fin septembre, l'accord sur les objectifs de développement durable (ODD), qui succèdent aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD), a été une étape essentielle. Un des 17 ODD porte sur la ville durable et les communautés humaines, c'est très important. Ces objectifs constituent en effet la boîte à outil de l'action internationale pour les quinze prochaines années. C'est parce qu'on atteindra ces objectifs de développement durable qu'on parviendra à limiter le réchauffement à 2°C.

AE : Pensez-vous que le texte de l'accord reprendra ces références ?

RD : Il faut que l'accord de la COP 21 soit en cohérence avec ces textes. Mais pour l'instant, les négociations sont en retard sur cette question. Trop d'Etats s'opposent encore à une reconnaissance forte des collectivités. Il faut également que l'accord mette en place les bons outils. La question des financements est centrale. Mais là aussi, certains Etats non démocratiques se méfient d'un accès direct des collectivités aux financements, il y a encore des résistances.

AE : L'engagement des collectivités permet-il de maintenir une pression sur les négociateurs ?

RD : Nous nous positionnons davantage en facilitateurs, notre rôle est plutôt positif. Nous travaillons beaucoup sur l'agenda des solutions, qui permet aux acteurs non-étatiques de créer une dynamique mondiale, de montrer qu'ils sont déjà au travail. Cet agenda est essentiel pour crédibiliser l'accord. C'est là aussi que l'on pourra s'inscrire dans une gouvernance multi-niveaux. Ce plan à cinq ans permettra également de voir si on ne peut pas aller plus vite que les engagements pris par les Etats. On l'a déjà vu avec les énergies renouvelables, leur développement a été beaucoup plus fort que ce à quoi les Etats s'étaient engagés. Sur la question du marché carbone, ou d'une taxe carbone, si un territoire comme la Californie s'engage, avec son poids économique, cela peut être un vrai signal. Aujourd'hui, avec ces engagements volontaires, on s'approche de 2 Gt de CO2 évitées. Cela démontre notre capacité à agir. Notre message envoyé aux Etats est : "Trouvez l'accord, on fera le boulot".

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