3 résultats pour le mot-clé "amenagement du territoire"

  • 23 mai 2018. Projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire

    Ronan Dantec s'est exprimé après l'examen en commission du projet de loi "Nouveau pacte ferroviaire".
    Il a exprimé ses inquiétudes face aux éventuelles conséquences de la réforme de la SNCF dans le cadre de l'ouverture à la concurrence notamment concernant les hausses de péages qui pourraient impacter les finances des régions. Le ferroviaire est un formidable outil d'aménagement du territoire mais il faut que l'Etat maintienne son travail d'accompagnement au travers des financements. 

  • 29 novembre 2016. Débat sur l'avenir du transport ferroviaire en France

    Dans le cadre du débat sur l'avenir du transport ferroviaire en France - débat à l'initiative du groupe RDSE - Ronan Dantec est intervenu au nom du groupe écologiste rappelant combien le transport ferroviaire, transport décarboné, est un vecteur d'aménagement du territoire à même de répondre aux enjeux relatifs à l’égalité et à l’inclusion des territoires.

    Madame la présidente,
    Monsieur le Ministre,
    Chers collègues,

    « Plus on habite loin d’une gare, plus on vote FN ».
    Le démographe Hervé Le Bras analysait ainsi en décembre 2015 les résultats des dernières élections régionales.

    Le transport ferroviaire porte donc un enjeu lié non pas à la seule mobilité, mais aussi à l’égalité et à l’inclusion des territoires, la mobilité s’assimilant au dynamisme du territoire et de ses habitants. La gare désaffectée délivre, plus que tout autre bâtiment, un terrible message d’abandon d’un territoire et de relégation de ses habitants.

    C’est pourquoi je remercie le groupe du RDSE de son initiative. Il est vrai que nous avons déjà eu ce débat, mais les derniers événements politiques, que ce soit le Brexit ou l’élection de Trump aux États-Unis, montrent qu’il est largement temps de revenir sur ce sujet afin de forger des solutions.

    Le transport ferroviaire est un vecteur d’aménagement du territoire. Nous savons bien, particulièrement au Sénat, que des politiques de mobilité réussies contribuent au dynamisme et réduisent les fractures territoriale et sociale.

    Cela fait au moins trente ans que les gouvernements annoncent la « préférence ferroviaire ». Pourtant, les financements ne suivent pas et la SNCF se retrouve dans une équation impossible, qui l’amène à abandonner les wagons isolés, les terminaux embranchés et les trains de nuit ou d’équilibre du territoire, à faire transporter ses essieux par la route et privilégier les voyageurs par rapport aux marchandises, le TGV par rapport aux lignes ordinaires, fermant chaque année des centaines de kilomètres de lignes secondaires et ne consacrant pas suffisamment de moyens à l’entretien, avec les conséquences que l’on connaît (problèmes de circulation, retards, voire malheureusement des accidents).
    Nous devons donc débattre de nouveau ici de ce choix politique, à savoir que le réseau ferré est délaissé faute de financements. Le groupe écologiste s’oppose, évidemment, à l’orientation actuelle, et ce pour deux raisons principales : l’intérêt du ferroviaire sur le plan de l’écologie et de la transition énergétique, ainsi que sur celui de l’aménagement du territoire.

    En premier lieu, faut-il encore souligner que le transport ferroviaire est un moyen de transport décarboné ? Quand on a à l’esprit qu’un quart des émissions de gaz à effet de serre est dû aux transports, que le transport routier, à lui seul, en est responsable à hauteur de 92 % et qu’en France les émissions de CO2 liées au transport ont augmenté l’an dernier après avoir été en baisse régulière depuis dix ans, on mesure la nécessité de développer les alternatives à la route et, parmi celles-ci, le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises, qui apparaît comme une urgence écologique et de santé publique.

    Deuxième enjeu : l’aménagement du territoire. Dans le contexte que je viens d’évoquer, le tout-TGV est une impasse, disons-le clairement. En effet, les financements ne sont pas illimités, bien au contraire, et il faut privilégier la mobilité du quotidien et les réseaux qui irriguent l’ensemble du territoire.

    Je ne donnerai qu’un seul exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Lors du débat public organisé par la Commission nationale du débat public au sujet de la nouvelle ligne Bretagne-Pays de la Loire, les usagers ont plébiscité la modernisation et la rénovation du réseau ferroviaire. Pour eux, la priorité devait aller au quotidien, c’est-à-dire aux liaisons entre Brest et Quimper, Saint-Nazaire et Rennes, Nantes et Bordeaux, ou encore à la réouverture de l’axe entre Auray et Saint-Brieuc – Michel Le Scouarnec pourrait nous en parler... Il est temps d’entendre les priorités mises en avant par les usagers !

    Les villes moyennes sont encore fragilisées par l’affaiblissement du réseau de transport ferroviaire, qu’il s’agisse des Intercités ou des TER. J’insiste notamment sur les problèmes à répétition rencontrés par les usagers dans le cadre de leurs transports entre domicile et travail. Certains reviennent même à la voiture alors qu’ils ont des abonnements de train. C’est une aberration !

    Nous déplorons les fermetures de lignes sur le réseau dit secondaire, où circulent les bien nommés trains d’équilibre du territoire. Alors qu’entre 1995 et 2013 110 000 kilomètres de route ont été réalisés en France, ce qui correspond à une extension de 11 % en moins de vingt ans, le réseau ferré en service s’est contracté, dans le même temps, de 6 %, soit une perte d’environ 2 000 kilomètres de lignes.

    Par exemple, je suis plus qu’inquiet en ce qui concerne la ligne Brive-Aurillac par Bretenoux, que je connais bien : elle est aujourd’hui en travaux, mais sans qu’il y ait une réelle garantie de réouverture... J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez nous donner des indications à ce sujet.

    Nous dénonçons aussi l’arrêt, à l’automne, de la moitié des trains de nuit qui fait suite à la décision du Gouvernement de ne plus financer leur exploitation, non pas parce qu’ils ne répondent pas à la demande des citoyens, mais parce que leurs coûts d’exploitation, trop élevés, ne seraient plus assez couverts par le prix des billets.

    La question n’est cependant pas seulement celle du prix du billet, car une telle décision veut dire, par exemple, que des PME ne s’installeront pas dans les villes moyennes concernées. Le sentiment de déclassement ne peut que se développer et il est temps d’intégrer dans l’équilibre financier de la SNCF l’ensemble des coûts publics, qui sont finalement bien plus importants que le seul prix du billet. Je sais que le président Jacques Mézard et moi-même sommes en complet accord sur ce point.

    Je ne dispose pas de suffisamment de temps pour développer plus avant, mais il est nécessaire de trouver des moyens de financement pour cela.

    Il faut d’abord ramener vers le train un certain nombre d’usagers. Aujourd’hui, l’aérien est bien plus subventionné en France, notamment en raison de la détaxation du kérosène. Le train pâtit de cette distorsion de concurrence.

    Il faut raisonner sur des péréquations financières nationales et régionales. Les métropoles mettent-elles une part suffisante de la richesse créée au service des villes moyennes ? Il faudra revenir sur cette question importante.
    En outre, la SNCF assume effectivement un service public, si bien que la dette ferroviaire doit relever du budget de la nation, pas uniquement du sien.

    Enfin, l’écotaxe aurait dû nous permettre de capter des recettes sur l’usage des routes. Nous commençons seulement à mesurer le coût pour la nation de l’abandon de cette mesure.

    L’avenir du ferroviaire doit constituer un grand débat pour notre pays : il était important de l’ouvrir de nouveau aujourd’hui.

  • 29 novembre 2018. Entretien avec Ronan Dantec dans Reporterre

    "La question que posent les gilets jaunes n’est pas celle de la fiscalité écologique, mais celle de l’aménagement du territoire". Retrouver l'entretien de Ronan Dantec sur Retorterre en ligne ici et ci dessous.

    Ronan Dantec : Les gilets jaunes, « un débat sur les moyens de vie et le coût de la mobilité contrainte »

    La question que posent les gilets jaunes n’est pas celle de la fiscalité écologique, mais celle de l’aménagement du territoire. Voici comment le sénateur écologiste Ronan Dantec analyse ce mouvement, dont il prédisait, il y a un an, l’émergence.

    Il y a un an, lors du débat budgétaire, le sénateur Ronan Dantec avertissait le gouvernement qu’une « levée de boucliers massive » contre la taxe carbone pourrait avoir lieu si le gouvernement n’arrivait pas à avoir un « discours politique cohérent » envers « ceux qui sont en périurbain et qui sont condamnés à la mobilité thermique ». Un discours prémonitoire qui a interpellé Reporterre. Nous avons donc interrogé le sénateur écologiste de Loire-Atlantique sur le mouvement des gilets jaunes.

    Reporterre — Tout d’abord, comment analysez-vous ce mouvement ?

    Ronan Dantec — Il est essentiel de comprendre que c’est un mouvement adossé à la fracture territoriale. Quand on regarde les territoires qui ont bougé, ce sont ceux de la diagonale du vide. En Bretagne, il n’y a pas eu énormément de mobilisation, sauf dans la région de Saint-Brieuc, qui est la région de Bretagne qui va le moins bien, alors que globalement la région va bien. Les gilets jaunes sont donc d’abord un mouvement lié à un sentiment de déclassement et d’injustice dans des territoires où l’on n’a pas les mêmes accès à l’emploi et aux services.

    Ensuite, on est dans des sociétés où le reste à vivre s’est réduit, notamment à cause du coût du logement — dont on ne parle pas assez dans cette affaire — et donc du carburant qui est une grosse dépense des ménages qui font beaucoup de route en périurbain.

    Et comme en plus le gouvernement n’a pas été capable d’expliquer en quoi le fait d’augmenter la taxe carbone accélérait la transition énergétique, et à quoi était destiné cet argent, l’histoire était un peu jouée d’avance.

    A l’époque, M. Darmanin, le ministre des Comptes publics, n’avait pas pris au sérieux votre avertissement. Il avait ironisé sur une “jacquerie”, et argué qu’il fallait bien financer les infrastructures. Qu’en pensez-vous aujourd’hui ?

    La difficulté dans ce débat est que la question n’est pas celle de la fiscalité écologique. Le détonateur de cette affaire est l’augmentation du prix à la pompe. Or si le prix du baril augmente, la TVA et la TIPP qui lui sont liées augmentent aussi et donc le prix à la pompe s’élève mécaniquement d’autant plus. Quand le prix du baril augmente, les recettes de l’État augmentent. Donc c’est bien le prix à la pompe qui est l’enjeu, mais comme le gouvernement a énormément communiqué sur la fiscalité écologique, qui ne représente que quelques centimes de cette affaire, les réactions se sont concentrées dessus. La première chose à ré-expliquer est que l’État recueille 35 milliards d’euros de recettes sur les carburants, alors que la fiscalité écologique ne représente que 8 milliards. Il ne faut surtout pas qu’on en fasse un débat sur la fiscalité écologique. C’est un débat sur les moyens de vie, le sentiment de déclassement, et le coût de la mobilité contrainte.

    Le gouvernement a-t-il pris conscience de ces enjeux ?

    J’étais déçu par le discours du Président, mardi matin, du fait qu’il a répondu en parlant de la baisse des impôts. Or, on s’adresse à des gens qui sont périurbains parce que la taxe d’habitation y est souvent plus faible, qui ont déjà peu de revenus donc souvent ne payent pas d’impôts sur le revenu, et ne se sentent pas concernés par la baisse de la fiscalité.

    Leur problème principal — je rejoins l’analyse du géographe Christophe Guilluy — c’est un reste à vivre insuffisant qui nourrit beaucoup de frustrations, et un sentiment de précarité dans le fait d’être sur des territoires, où s’ils ont un pépin, ils n’ont pas de solution. Dans une métropole, si vous perdez votre emploi, il y a tellement de créations d’emplois que vous pouvez raisonnablement en trouver un autre. Si vous êtes dans un territoire où la dernière usine ferme, vous n’avez aucune solution. Donc la première question, fondamentale, c’est : comment répartir mieux l’emploi en France ? Là-dessus, il n’a rien dit. Si on répartit mieux l’emploi, cela veut dire moins de pression sur l’habitat dans les grandes villes où se concentre l’emploi, des prix du logement mieux maîtrisés, et donc plus de reste à vivre. Tout est lié. C’est vraiment, d’abord, une question d’aménagement du territoire sur laquelle on ne voit pas arriver le gouvernement.

    Cette question d’aménagement du territoire était aussi absente des annonces sur la loi mobilité. Pourquoi n’en parle-t-on pas ?

    C’est quelque chose qui se dessine en France depuis 20, 30 ans. Peu à peu, l’activité s’est concentrée sur les grandes villes. Celles-ci ont eu tendance à être prises et gérées par les socialistes, qui ont concentré leurs politiques sociales sur ces territoires métropolitains. Ils n’étaient donc pas, évidemment, les plus allants pour demander une meilleure répartition de l’activité sur l’ensemble du territoire. Il y a un espèce de piège politique depuis 30 ans. Peu à peu, l’idée d’un aménagement du territoire par l’emploi a disparu.

    C’est un phénomène progressif depuis les années 80. On est parti du modèle "Paris et le désert français". On a eu une première décentralisation plutôt industrielle pendant les 30 Glorieuses, qui a marché. Cette période s’est arrêtée dans les années 70 avec la crise. Derrière, une autre phase de réaménagement du territoire par le TGV a permis un rééquilibrage entre Paris et les grandes métropoles. L’ouest de la France, par exemple, a attiré beaucoup de populations. Mais ce que l’on n’a pas vu, c’est que dans le même temps, on dévitalisait tout le centre de la France et autour des métropoles. C’est la grande diagonale du vide et les territoires qui sont à 40, 50 km et qui n’ont pas leur place dans la dynamique métropolitaine. Comme ils ne sont pas attractifs, le logement n’y est pas cher, et ils récupèrent des populations avec un niveau de vie très contraint. Ce sont ces territoires-là qui concentrent les frustrations et nourrissent les gilets jaunes.

    Alors quelle politique d’aménagement du territoire préconisez-vous ?

    Aujourd’hui il faut qu’on ait un vrai grand débat, qui n’est pas engagé, sur l’outil économique de rééquilibrage du territoire. Est-ce que c’est de la fiscalité ? De l’exonération de charges ? Il faut trouver. J’étais à La Souterraine, dans la Creuse, il y a quelques semaines. Quand le sous-traitant automobile est repris avec moins d’emplois — alors que c’est Peugeot le donneur d’ordres et que l’État y a des parts — pour gagner quelques centimes sur la production, on dévitalise un territoire. Or derrière, cela coûte beaucoup plus cher en accompagnement social pour les finances publiques. C’est une aberration.

    Donc il faut qu’on trouve les moyens de rééquilibrer les chances économiques pour qu’une entreprise à La Souterraine ne soit pas avec des coûts de charges plus importants qu’une entreprise dans une grande métropole. Pareillement pour les services publics. Une étude a montré qu’il y avait plus d’argent public par habitant sur Paris qu’en Seine-Saint-Denis, pour les services publics, la justice, la police, etc. Donc il faut peut-être, déjà, rééquilibrer tout simplement en terme de service public financé. Parce que moins il y a de service public, moins les entreprises viennent. Et il faut aussi qu’on tienne un certain nombre de mobilités. Le rail a une fonction symbolique très forte dans ce cadre-là, même si les lignes sont déficitaires. Il faut lutter contre le sentiment d’abandon, ne pas fermer les maternités, éviter les déserts médicaux, réduire la fracture numérique.

    On a là de gros enjeux d’égalité. Il faut revenir à une politique volontariste et économique des territoires. Il faut répondre comme ça aux gilets jaunes, et ne pas se laisser enfermer dans le débat entre fin du mois et fin du monde.

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