Ronan Dantec est chef de file pour le groupe écologiste sur le projet de loi portant réforme ferroviaire. En vue de garantir un haut niveau de service public, ce texte recréé un groupe ferroviaire unique constitué de trois entités : un établissement public qui fixe les orientations stratégiques et chapeaute deux autres établissements publics : l'un chargé des infrastructures de réseau (SNCF Réseau), l'autre de l'exploitation du service (SNCF Mobilité).
Des avancées importantes ont été effectuées lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

Au Sénat, Ronan Dantec défend 21 amendements écologistes portant notamment sur les points suivants :

  • Renforcement de la place et du rôle des régions (ressources fiscales, présence dans les instances dirigeantes, participation à la gestion des lignes et des gares, liberté tarifaire dans le respect des tarifs sociaux)
  • Place des associations de protection de l'environnement dans les instances dirigeantes du groupe
  • Parité hommes-femmes dans les instances dirigeantes du groupe ferroviaire
  • Priorité en matière d'investissement à la rénovation des voies
  • Faciliter l'embarquement des vélos à bord des trains

 

Le dossier législatif sur ce projet de loi est accessible ici

L'intervention de Ronan Dantec sur le projet de loi portant réforme ferroviaire :

 

Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Monsieur le rapporteur, Cher Michel Teston, Chers collègues,

Comme vous le savez, le train et sa gouvernance font toujours l'objet d'une attention particulière de la part des écologistes. Or le présent projet de loi traite de toutes les questions d'avenir en la matière. La discussion qui s'ouvre au Sénat est donc très importante.
Nous avons aujourd'hui des trains à plusieurs vitesses, et tous les passagers ne bénéficient pas des mêmes qualités de service.
Pour certains, le transport ferroviaire est synonyme de déplacements rapides et confortables. C'est même l'une des incarnations de la modernité et du dynamisme d'un territoire.
Mais, pour nombre d'usagers au quotidien des trains de banlieue ou de certaines liaisons régionales, c'est aussi le symbole d'une France délaissée, comme cela se mesure au degré de fatigue due à la modernisation insuffisante du matériel et des réseaux, voire à son usure sévère, pour ne pas utiliser les termes plus durs qui font aujourd'hui débat. En plus, les difficultés anciennes du dialogue social au sein de l'entreprise sont aussi source de difficultés pour les usagers.
Défauts d'entretien ou problèmes d'organisation de la maintenance et de coordination entre la SNCF et RFF – nous en avons tous des exemples concrets –, les difficultés actuelles sont connues et le constat assez partagé. Certes, dans le cas de l'accident de Brétigny-sur-Orge, qui est évidemment présent à l'esprit de tous aujourd'hui – et avec une pensée pour les victimes à cet instant –, c'est bien à la justice de déterminer les responsabilités des uns et des autres.
L'analyse selon laquelle l'organisation n'est pas satisfaisante ne date pas d'hier et appelle des réponses ; j'y reviendrai dans quelques instants. Mais elle dit également la nécessité de nous réinterroger sur les priorités d'investissement.
Ainsi, si les écologistes se sont opposés, par exemple, à la politique du « tout TGV » et au Lyon-Turin, ce n'était pas pour bloquer le développement du transport ferroviaire ; au contraire, c'était même, et les évolutions récentes en ont apporté la confirmation, pour le sauver !
Comment garantir et développer aujourd'hui un service public de qualité et accessible à tous ? Sous couvert de course à la vitesse et de développement métropolitain, on nous a « vendu » les nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) ; mais, dans une situation de raréfaction de l'argent public disponible, à quel prix pour le réseau existant, celui qui maille les territoires et sert les usagers au quotidien ?
En toute cohérence, nous, écologistes, avons donc défendu le train à haut niveau de service, face à ces projets parfois pharaoniques. Déjà très rapide, atteignant tout de même 220 kilomètres par heure, il nécessite des investissements beaucoup moins lourds, s'inscrivant ainsi dans une logique qui donne la priorité à la rénovation des lignes existantes et limite l'endettement.
En effet, la dette historique de SNCF-RFF, même si elle n'est pas comptabilisée dans celle de l'État au sens des critères de Maastricht, ne peut plus être occultée. D'autres orateurs l'ont rappelé, elle atteint aujourd'hui une quarantaine de milliards d'euros, en hausse moyenne de 1,5 milliard d'euros par an, 2,2 milliards d'euros en 2013, l'objectif gouvernemental étant de la contenir autour de 60 milliards d'euros à l'horizon 2025. Voilà qui donne un peu le vertige !
Comment éviter la paralysie du système, avec une dette aussi lourde, d'autant que l'activité ferroviaire a ralenti en 2013, avec une baisse de 2 % pour le transport de voyageurs – c'est un signal assez alarmant – et de 3 % pour le fret ? Comment éviter que les LGV lancées par le gouvernement précédent plombent les comptes de l'entreprise ? D'ailleurs, Gilles Savary, rapporteur du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, a déclaré : « Les lignes à grande vitesse sont un joujou français qui ne fonctionne qu'en dégradant les comptes de la SNCF et en endettant RFF. » À méditer !
Aussi, face à de tels projets, et compte tenu de la situation budgétaire critique dans laquelle nous sommes, les écologistes réaffirment l'importance de flécher en priorité les financements vers l'aménagement et la rénovation des lignes existantes plutôt que vers le déploiement de nouvelles lignes.
Monsieur le Ministre, vous avez mentionné à juste titre le plan de modernisation doté de 410 millions d'euros qui vient d'être lancé. Mais nous craignons tout de même que cela ne soit insuffisant. Nous ne pouvons que comparer ce montant avec les sommes allouées, par exemple, à ce fameux tunnel Lyon-Turin : plus de 14 milliards d'euros ! Cela ne nous semble pas raisonnable aujourd'hui.
La même logique s'applique au fret ferroviaire. L'absence de rénovation des réseaux capillaires et d'investissements suffisants de la part de l'État, de la SNCF ou de RFF nous empêche de développer une véritable stratégie de report modal, stratégie pourtant à la fois présente dans tous les discours et nécessaire pour répondre aux grands enjeux climatiques liés aux transports. Si la France adore souligner qu'elle émet assez peu de gaz à effet de serre dans sa production d'électricité – nous connaissons l'histoire –, elle omet de préciser que le bilan de ses émissions dans les transports est tout à fait désastreux et ne s'est pas amélioré au cours des dernières années.
Il faut donc des financements innovants pour les transports. Le péage poids lourds est en train d'être remis sur les rails, si vous me pardonnez ce bien mauvais jeu de mots. C'est une bonne nouvelle. Monsieur le Ministre, nous appelons le gouvernement à aller plus loin en élargissant le réseau taxable. Si nous avons gardé le système, nous n'avons préservé que 4 000 ou 5 000 kilomètres de tronçons taxables. Il sera assez simple d'étendre le réseau taxable, et assez rapidement ; il y a déjà des propositions en ce sens dans un certain nombre de régions.
Dans un contexte de budget de l'État contraint, et cela concerne particulièrement les transports, nous considérons également que les régions doivent obtenir les moyens de leurs politiques. C'est ainsi que nous appelons à donner aux régions une plus grande autonomie fiscale. C'est un élément constant du discours des écologistes.
Ainsi, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative, nous avons déposé des amendements tendant à la création d'une part régionale de taxe sur le transit poids lourds. Bien évidemment, nous n'avons pas pu les défendre jusqu'au bout compte tenu du rejet du texte dès la fin de sa 1ère partie. Mais nous sommes toujours disposés à en discuter dans la perspective de la prochaine loi de finances. À mon sens, dans le contexte actuel, et avec le transfert aux régions de nouvelles compétences en matière de transport, nous devons absolument leur trouver de nouvelles recettes, et en préservant le système actuel. Avec la participation de l'État à Ecomouv', il ne sera pas très compliqué d'ajouter une part taxable pour le réseau routier relevant de la responsabilité des régions pour l'aménagement, l'investissement et l'entretien. Il faudra, me semble-t-il, avoir cette discussion.
Saisie du présent projet de loi, notre commission a adopté un amendement, sur l'initiative notamment de Roland Ries, visant à la création d'une part régionale de versement transport interstitiel. Nous vous inviterons à aller plus loin en ajoutant une part de VT additionnel à un taux maîtrisé – nous avons proposé 0,2 % – et dans le cadre, j'insiste sur ce point, du maintien d'un plafond à 2 %. Nous le savons tous, il y a là une véritable difficulté : une part des habitants des agglomérations bénéficient des étoiles ferroviaires. Il serait donc logique que les agglomérations participent à ce financement. Certes, j'entends les objections liées à la nécessité de ne pas augmenter le taux de VT ou aux difficultés de négociation entre les agglomérations et les régions, mais je crois qu'il y a là une vraie question et qu'il faudra rechercher des solutions.
Au demeurant, il est d'autant plus justifié de donner des marges de manœuvre budgétaires aux régions que celles-ci sont appelées à prendre plus d'importance dans l'organisation de l'ensemble des politiques de transports avec la loi Lebranchu.
Mireille Schurch a parlé à l'instant de « régionalisation » du transport ferroviaire. C'est, me semble-t-il, un peu exagéré. Nous n'y sommes pas, et de plus, régionalisation ne rime pas avec démembrement du service public ; l'action publique sera à mon sens renforcée par le renforcement du rôle des régions ! Ce n'est pas parce que nous nous situons à l'échelon régional, et pas à l'échelon étatique, que nous ne sommes pas dans le service public et dans l'action publique !
C'est aussi pourquoi les écologistes veulent renforcer la place des régions dans la gouvernance de la future entité SNCF dans le cadre de ce projet de loi. Nous avons un peu gagné à l'Assemblée nationale à cet égard. Je le rappelle, les régions assurent aujourd'hui les deux tiers du financement public du système ferroviaire. Il nous semblerait utile et raisonnable d'avoir trois représentants des régions au conseil de surveillance de la SNCF. Nous savons déjà qu'il y aura un représentant de la région parisienne (STIF) ; il ne serait pas absurde d'avoir en plus deux représentants issus de régions autres que l'Île-de-France, compte tenu du rôle des régions dans le financement et de leur engagement sur ces dossiers. Certes, je sais qu'il y a en arrière-plan des calculs sur les équilibres au sein du conseil de surveillance, mais je pense que nous pouvons trouver une solution. J'ai déposé des amendements en ce sens.
En parallèle, nous soutenons clairement le fait que l'État soit conforté dans son rôle stratégique au sein du futur groupe ferroviaire réunifié. La planification des investissements, le pilotage stratégique et cohérent des politiques de mobilité sont essentiels, dans un moment, je l'ai indiqué, où nous avons des choix déterminants à opérer, sur la résorption de la dette, la hiérarchisation des investissements, la réponse aux enjeux écologiques.
Au vu de l'importance de tels sujets, nous croyons que la représentation nationale a aussi un rôle à jouer dans la définition des objectifs à moyen et à long terme, il nous semble important qu'une loi d'orientation quinquennale en matière de mobilité soit soumise au Parlement. Nous avons été plusieurs à déposer des amendements en ce sens.
Et, s'il n'est pas possible d'adopter un texte législatif, nous pourrions nous inspirer du schéma retenu pour la loi de transition énergétique, même si elle n'a pas encore été votée : le Parlement validerait une programmation pluriannuelle qui s'imposerait à l'opérateur historique. Cette programmation concernerait non seulement le ferroviaire, mais, plus généralement, la mobilité, vue comme un ensemble de politiques publiques convergentes.
Réintégrer le rail dans la problématique plus large de la mobilité est aujourd'hui un enjeu essentiel. En effet, la proximité des problématiques, qu'il s'agisse de l'environnement ou de la nécessité de hiérarchiser finement les investissements au vu des masses financières concernées, devrait nous inciter à parler de transition des mobilités, comme nous parlons de transition énergétique.
Je souhaite également aborder le dialogue social au sein de l'entreprise. Nous serons nombreux ici, me semble-t-il, à considérer que la SNCF est un socle du service public à la française, que la conscience de cette mission de service public est très forte parmi les cheminots et les personnels et que cette forme de patrimoine français ne doit pas se dégrader au rythme du matériel roulant ou des voies. Tout cela est totalement lié. J'ai apprécié les propos de Mireille Schurch sur les « valeurs qui cimentent » le territoire. Je partage cette idée forte, encore que j'aurais préféré que l'on parle de « mieux irriguer » le territoire plutôt que de le « cimenter ».
Nous serons vigilants. Il faut à tout prix éviter que l'ouverture à la concurrence ne s'effectue sur la base d'un dumping social ; l'exemple du transport routier nous en rappelle aujourd'hui les risques. Mais cela ne signifie pas immobilisme de l'entreprise. Au cours de la discussion générale, nous avons souligné qu'il y avait des gains de productivité à réaliser.
Aujourd'hui, la première concurrence, c'est celle du transport routier. C'est là que se joue l'avenir du fret ferroviaire et de la SNCF. Il faut donc à la fois réaliser des gains de productivité et éviter le dumping social, y compris dans le transport routier, pour l'avenir de la SNCF et du système ferroviaire français.
De mon point de vue, le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale a permis d'apporter un certain nombre de garanties aux personnels et à leurs syndicats quant à leur participation à la gestion de la nouvelle structure. Les députés ont fait un travail important, allant même plus vite que prévu. Reste qu'il était essentiel de donner des assurances à cet égard.
Puisque nous parlons de gestion collective, il est aussi très important de laisser une place aux usagers et aux associations de protection de l'environnement, à côté de l'État, des salariés et des régions. L'article L. 141–2 du code de l'environnement prévoit la participation des « associations de protection de l'environnement » à « l'action des organismes publics concernant l'environnement. » Je pense qu'il serait utile de s'en inspirer s'agissant de la SNCF.

Le présent projet de loi portant réforme ferroviaire est donc bienvenu ; une réforme en profondeur du système ferroviaire était devenue plus que nécessaire. Nous voterons en faveur de ce texte. Toutefois, pour nous, des marges d'amélioration existent encore. Espérons que le débat qui s'ouvre permettra d'avancer en ce sens.
Enfin, je souhaitais rendre hommage à Michel Teston, qui, dans ce moment symbolique – c'est probablement l'un de ses derniers rapports –, a réalisé un gros travail pour améliorer le texte.

 

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