Vous trouverez ci-dessous l'intervention de Ronan Dantec lors du débat en conseil municipal de Nantes sur le vœu pour l'organisation d'un référendum sur le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne.

Madame la Maire,
Chères et chers collègues,

C’est, je vous l’avoue, avec grand enthousiasme, que je vais voter ce vœu. J’irai même jusqu’à affirmer que c’est, pour moi, un vœu bien plus important qu’une simple résolution en faveur de la réunification de la Bretagne.

En effet, des vœux en faveur de cette réunification, il y a en a eu beaucoup : plusieurs du conseil régional de Bretagne, un, ne l’oublions pas, du conseil général de Loire-Atlantique sous la présidence de Patrick Mareschal, des centaines en 50 ans de la part de communes de notre département. Pourtant depuis 1972, quand Georges Pompidou refuser le redécoupage sous prétexte de l’absence de consensus sur la taille de la nouvelle région, même si tout le monde était d’accord pour que Nantes, Rennes et Brest soient ensemble, rien n’a bougé.

La question aurait donc pu être tranchée par le temps et les habitudes, s’estomper peu à peu... et bien non, plus de ¾ de siècle après le décret du gouvernement de Vichy, il se trouve encore 105 000 citoyen.ne.s de Loire-Atlantique pour juger ce dossier important, méritant referendum. Il est donc temps, et c’est le grand mérite de ce vœu, que les élu.e.s, qui ont tant procrastiné, acceptent et impulsent enfin un vrai débat. Et c’est vraiment, je crois, à l’honneur de notre majorité de proposer, enfin, une vraie méthode et des moyens pour le mener.

Bien sûr, et je dirais « comme d’habitude », il y en aura dans cette assemblée et ailleurs pour dire, il y a plus urgent, et ils mettront en avant la crise réelle que nous vivons.

Et si, au contraire, cette question s’inscrivait bien dans le renforcement de notre réponse collective à ce moment si particulier ? Voilà quels doivent être les termes du débat, et non la sempiternelle ritournelle sur « Nantes est-elle bretonne ? », et la question existentielle suis-je breton ou nantais ou ligérien ... Non que ces débats sur comment la culture et les identités collectives font société et solidarité ne soient pas importants, et trop laissés en jachère, au risque que d’autres y plantent les graines du nationalisme et de la xénophobie, mais ce n’est pas le seul enjeu. Le premier pour nous, en période de crise, est bien la réorganisation de l’action publique territoriale.

Les crises sanitaire et écologique disent la nécessité de territoires plus autonomes et résilients, plus robustes dans la maîtrise de leur destinée, plus en lien entre villes et campagnes, une exigence qui s’est par exemple illustré sur les tensions de ravitaillement des grands centres urbains lors du premier confinement. Il nous faut donc des régions fortes fédérant des territoires solidaires entre eux, à l’imaginaire commun.

Cette crise dit la précarisation d’une part croissante de notre population, victime rapide quand le marché du travail se rétrécit. Il nous faut donc des régions capables de structurer des filières économiques cohérentes, pour préserver et développer de l’emploi pour tous. Tourisme, Construction navale, Energies marines... le débat devra dire si nous nous appuyons sur les découpages administratifs les plus pertinents pour les développer.

Le débat qui s’engage arrive finalement en son temps. Nous allons tourner une page, celle de la mise en place des métropoles d’équilibre, chères à Olivier Guichard, et si brillamment bâties ici par Jean-Marc Ayrault et ses équipes. Ces métropoles ont changé la Bretagne et l’Ouest de la France, elles ont permis d’inverser les flux migratoires. Mais elles sont aussi dans l’impasse, elles concentrent l’emploi mais n’arrivent plus à produire suffisamment de logements accessibles, et exclues de leur ville centre ces petites classes moyennes dont la crise souligne la fragilité. Elles doivent impérativement discuter avec les villes moyennes de rééquilibrage des activités économiques et des services. C’est un nouveau paradigme qui se dessine : des métropoles en dialogue et solidarité avec les autres intercommunalités, ce que nous appelons l’alliance des territoires ; mais s’appuyant aussi sur des régions fortes, capables de participer à ce dialogue, pour déboucher sur une véritable planification dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

Et nous avons ici une difficulté. Pour notre région, le triangle le plus structurant est aujourd’hui Nantes-Rennes-Vannes, et il influence tous les autres territoires. Je salue, Madame la Maire, votre engagement sur le renforcement de l’axe Nantes-Rennes, mais il ne peut suffire. Je ne crois pas un instant qu’il soit possible de travailler un aménagement du territoire équilibré sans une région unique le chapeautant. Les régions, en effet, ne dialoguent que peu entre-elles, même si elles peuvent afficher l’inverse. Certains se rappellent ainsi peut-être François Fillon, alors président de la région Pays de la Loire, parlant Breton au conseil régional de Bretagne et affichant sa volonté de coopération... mais à Châteaubriant, il faut changer de quai pour passer d’un Tram-Train à un TER, et aller ainsi de Nantes à Rennes.
Certains, ici, vivent leurs actions publiques principalement dans le cadre de Nantes et de la Loire-Atlantique, c’est leur espace d’action et de réflexion, pour d’autres, cet espace d’action, d’imaginaire politique, est la Bretagne historique, et ils continuent de beaucoup s’y investir sans pour autant perdre un seul instant le fil de leur engagement sur le territoire nantais, pour certains enfin, mais à mon avis moins nombreux, c’est la région des Pays de la Loire.

Le débat qui s’engage doit donc nous permettre d’échanger, avec nos vécus, sans tabou ni posture, sur ces différentes perceptions des enjeux et des espaces pertinents d’action. Il doit permettre de réactualiser les données sur les interactions entre Nantes et les autres territoires bretons, il doit permettre un nouveau dialogue avec toutes les collectivités concernées et les deux régions administratives, et il devra déboucher sur un vrai processus démocratique accepté par toutes et tous.

Nous ne répondrons pas aux grands défis qui sont devant nous sur l’écologie et la solidarité sans une nouvelle articulation et un renforcement des capacités d’action des collectivités territoriales, ce qui implique des périmètres cohérents. J’en suis donc convaincu : si nous menons le débat de la réunification de la Bretagne au fond, nous éclairerons notre avenir bien au-delà du seul sujet de la question portée à referendum.
Je vous remercie--